Christophe Annoot, Les Déserts

Les Déserts

Les déserts sont multiples, nombreux et différents.
Ils sont torrides, gelés, de sable, de pierres ou de glace. Ils sont nocturnes et brûlés par la lune, ou bien diurnes en plein soleil. Ils sont secs, espaces du mal, de la soif et de l’épuisement ; ils sont liquides, détrempés, mouvants et salés. Ils sont noirs d’orage et d’errance ; ils sont lumineux et aveuglants, blancs pour se trouver. Les déserts sont géographiques et de nature physique. Ils sont intérieurs, psychiques et spirituels ; ils sont lieux de solitude. Il faut vouloir s’y rendre pour s’isoler. Ils sont peuplés, surpeuplés, d’une foule d’ombres, de corps et de choses. Et sans le vouloir il faut parfois y être parmi le fatras des mises au rebut.
Mais les déserts sont tous les mêmes, dangereux. Le regard y perd les couleurs qui y perdent alors leur sens. Ils sont lointains, loin d’ici. Ils sont issus du passé, occupent le présent et si l’avenir existe, ils le constituent. Ils écrivent tous des formes qui apparaissent comme des signes ; bien malin qui saurait les lire. Et ils sont aussi trop proches : comme un reflet dans un miroir que le verre empêche de toucher. Ils sont mais n’existent pas, ils agissent comme des projections mentales, des organisations structurelles qui traduisent l’impermanence du monde, les mouvements continus ou spasmodiques de l’espace et du temps.
Ce qui s’y montre, ce que nous voyons, est ce que nous sommes. Les déserts sont une trace mémorielle de ce qui clandestinement fut là. Comme un nuage qui passe modifie la lumière d’un paysage et semble transformer ses lignes de construction, ils présentent l’ordre fugace d’un réel déjà enfuit. Et qui regarde les déserts verra peut-être dans la somme de leur hétérogénéité l’évocation, sinon la conséquence, d’un existant cohérent.