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Enseigner la gravure sur bois

lundi 5 mai 2014, par Alain Cazalis

Enseigner la gravure sur bois

Créer en quelques lignes un univers, une atmosphère, faire surgir du néant quelque personnage ou paysage, demeure le rêve habité de tout jeune graveur.

Si au début les techniques d’expression gravées peuvent paraître austères, les résultats obtenus après un peu de pratique sont d’une grande richesse expressive car tous les types d’écriture et de sensibilité s’y retrouveront, depuis la simple ligne tendue jusqu’à la profondeur obscure d’une surface encrée.

Beaucoup de nos étudiants adoptent la gravure sur bois ou linoléum parce qu’elle autorise des possibilités graphiques particulières, à la puissance évocatrice forte. Elles peuvent souvent annihiler une autre forme d’image imprimée contemporaine banale et lisse. L’édition jeunesse contemporaine ne s’y trompe pas et la production illustrée de gravures conduit à une nouvelle dynamique esthétique à fort impact visuel allant à l’encontre de solutions plastiques trop édulcorées.

Dana Radulescu : "A tête reposée" 2012
Élodie Moreau : "Marché dogon" 2012
Mathieu Marissal : "Oiseau" 2014

Toutes les techniques de taille d’épargne ont l’énorme avantage pour un enseignant de rendre rapidement autonome un graveur débutant et de le décomplexer face aux techniques plus difficiles de la taille-douce.
Il pourra facilement, s’il le souhaite, imprimer lui-même au frotton ses propres images sans obligatoirement recourir à une installation sophistiquée et lourde, et ainsi avancer son travail sans attendre l’ouverture de l’atelier.

Olivier Muller : "Le caméléon" livre d’artiste 2013

Je n’oublie pas que l’estampe japonaise, remarquable de savoirs et de subtilités s’imprime sur une table basse avec un simple baren et des pigments solubles liés à la colle, et que deux petites encoches dans la matrice permettent de repérer exactement les planches. Pas d’esbroufe, peu de matériel, une grande efficacité, un résultat évident. 

Le trait, à partir de l’instant où il est épargné et non incisé, prend une toute autre valeur. Il permet au contour de gagner en simplicité, pureté et force. Lorsque la gravure est aboutie, révélée par les outils, encrée avec soin, le graveur ne doit pas se satisfaire de quelques tirages mais doit passer autant de temps à imprimer qu’à graver. Le temps passé sur la presse ou sous le baren doit être sérieusement envisagé comme un moyen d’exploiter toutes les possibilités de la matrice originale et doit constituer le point de départ d’un vaste champ expérimental, semé de surprenantes découvertes.

Maria Lago-Ibanez : Livre d’artiste 2012

Choix des outils, gravure, encrage, pression, habillage, calage, papier, ces nombreux paramètres contribuent à un apprentissage du regard et de l’exigence artistique, aident à la compréhension de l’équilibre délicat qui existe entre geste spontané et maîtrise artisanale. Un vrai vocabulaire riche et expressif naît de ces multiples rencontres techniques, l’intelligence de la main associée à l’acuité du jugement atteignent alors le maximum d’efficacité.

L’ensemble de la production d’un atelier collectif de gravure n’est peut-être pas d’une grande cohérence, mais je préfère qu’elle soit la plus éclectique possible. Si la ligne directrice se résume à la qualité d’une expression individuelle sensible, l’harmonie et la richesse viendront peu à peu s’installer dans une atmosphère encourageante et respectueuse de la pensée de l’autre.

Alain Cazalis
mai 2014

P.-S.

J’ai choisi pour illustrer l’article 5 images :
1 Dana Radulescu : A tête reposée
2 Mathieu Marissal : Oiseau
3 Elodie Moreau : Marché Dogon
4 Maria Lago Ibanez : livre d’artiste
5 Olivier Muller : Le caméléon livre d’artiste